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Bien chers amis,
Notre Société vient de signer récemment une convention de partenariat avec la délégation Alsace de la Fondation du Patrimoine. Vous connaissez tous cette institution qui œuvre depuis 1996 à la sauvegarde et la valorisation du patrimoine français. Au travers du label, de la souscription publique et du mécénat d’entreprise, elle accompagne les particuliers, les collectivités et les associations dans des projets de restauration. Vous la connaissez surtout de par son implication récente au sein de la mission patrimoine confiée par le gouvernement à Stéphane Bern.
La Fondation est organisée en délégations régionales et son responsable local, M. Pierre Goetz, nous a sollicité comme d'autres associations alsaciennes pour mettre nos moyens en commun dans le cadre de nos objectifs statutaires. Plus précisément, notre Société peut apporter ses connaissances scientifiques et éventuellement son réseau pour l'élaboration des dossiers de restauration dont le montage financier est dévolu à la Fondation. L'essentiel de ces dossiers correspond au patrimoine non protégé, constituant ainsi un complément indispensable aux missions régaliennes des services de l'État. Plus largement, cette convention devrait aussi permettre de développer des actions de sensibilisation auprès des élus directement concernés par ce type de projet tout en informant le public sur ces dossiers communs au travers de nos divers supports de communication.
Dans la pratique, cette collaboration est envisagée pour la sélection des dossiers aux concours "Rubans du patrimoine" ou des actions pédagogiques de sensibilisation en milieu scolaire comme celui déjà engagé dans le cadre de la restauration des fresques du Lycée international des Pontonniers à Strasbourg. Une collaboration étroite dans le choix des monuments de la mission Bern a de même déjà été engagée, d'ailleurs dès avant la signature de la convention elle-même : notre Société espère par ce biais pouvoir mettre en avant des projets qui lui tiennent à cœur, comme la restauration de l'église des Récollets à Rouffach, le domaine de la Leonardsau à Strasbourg, les châteaux d'Ottrott ou du Ramstein, le carreau minier Rodolphe à Ungersheim. Pour l'instant, certes, l'Alsace reste un peu le parent pauvre dans les monuments retenus au cours de ces deux premières années au niveau de la Grande Région, mais nous avons bon espoir d'arriver à mieux nous faire entendre grâce à cette collaboration désormais officialisée.
Au total, notre Société conforte ainsi l'une de ses missions premières qui est de faire vivre le patrimoine monumental régional. Nous vous ferons d'ailleurs mieux connaître la délégation Alsace de la Fondation au travers d'un texte sollicité auprès de M. Goetz et en principe à paraître dans notre prochaine lettre d'information.
Signature de la convention de partenariat par les deux responsables dans la bibliothèque du Lycée International des Pontonniers, le 28 février 2019. © SCMHA
Résumer l’histoire du site du laminoir de Framont en quelques lignes relève du parcours du combattant. Nous allons cependant nous y employer ici, avec l’éventualité de publier un jour un article plus complet dans les Cahiers Alsaciens d’Archéologie d’Art et d’Histoire.
L’objet de notre étude se situe dans la vallée de Framont, au pied du Donon, sur le territoire communal de Schirmeck. Les deux bâtiments accolés qui subsistent actuellement sur ce site sont les derniers témoins d’une histoire qui commence au XIIIe siècle.
C’est en effet vers 1260 que les forges de Framont apparaissent pour la première fois dans l’histoire, sur fond de conflit entre l’abbaye de Senones et ses avoués, les comtes de Salm. Comme souvent, c’est le conflit qui donne un coup de projecteur sur un épisode qui n’aurait sinon jamais été retranscrit . De 1272 à 1513, les forges retombent en effet dans l’oubli. Au milieu du XVIe siècle au moins, le haut fourneau y fait son apparition . Les forges se développent alors et connaissent leur apogée au XVIIIe siècle avec des grands maîtres, De Launay puis les Champy. Ce sont ces derniers industriels qui vont nous intéresser ici.
Louis Champy, le père, est le premier de la famille à diriger les forges. Il devient maître en 1786, vit les derniers instants de la Principauté de Salm, est obligé de racheter les forges de Framont à la nation en 1796, puis enfin acquiert la forge voisine des De Dietrich, à Rothau. Après toutes ces péripéties il finit par revendre les deux forges à son fils, Bernard-Michel, qui lui succède alors. Nous sommes en 1827.
Jusque-là les forges de Framont avaient vécu d’une production variée et présentaient l’aspect des forges typiques de l’Ancien Régime avec toute la chaîne opératoire « à domicile », de l’extraction du minerai au produit fini. En reprenant les forges à son père, Bernard-Michel avait sans doute senti la fin d’une époque. L’heure n’était plus à une production variée et à un marché régional. L’industrie issue de la dernière révolution industrielle devenait européenne, avec un marché, et donc une concurrence, d’ampleur internationale. Il fallait spécialiser la production, rompre avec la tradition, si on voulait maintenir les forges séculaires au pied du Donon.
Le nouveau maître des forges engagea des frais énormes, 500 000 francs, la somme qu’il venait de dépenser dans l’achat des forges, pour construire un bâtiment : un nouveau laminoir. À Framont on allait désormais produire des tôles, très demandées notamment par les industries de machines à vapeur de la plaine d’Alsace. Le premier laminoir de Framont, construit en 1817, ne comportait qu’un train de cylindres et était de trop petites dimensions pour y installer une machinerie plus importante . C’est pour cette raison qu’en 1831, Bernard-Michel Champy lança la construction d’une vaste usine-halle à l’entrée de Grandfontaine.
Ce bâtiment, de plan rectangulaire, avait une surface au sol de près de 1000m². Il s’agissait d’une halle typique des arts du feu. Etablie de plain-pied elle permettait d’accueillir la machinerie lourde nécessaire au laminage : 4 trains de laminoir, soit huit cylindres, pour produire différents types de tôles, quatre paires de cisailles hydrauliques pour la découpe et quatre fours à réverbère dont deux à l’intérieur de la halle pour réchauffer le fer avant laminage. Une grue « très puissante » permettait de déplacer les matériaux. Tout cet appareillage était installé sur un sol dallé de fonte. Dans une annexe se trouvait la pièce maîtresse du nouveau laminoir : une roue à augets. Cette roue-tambour était monumentale. Un manuel de mécanique de 1838 nous la décrit : 9,14m de diamètre, 86,687t, 5,5t d’eau par auget ! Ses 4m de large étaient abrités dans une vaste chambre et un arc en pierres de taille dans le mur gouttereau Sud de la halle permettait sans doute de la monumentaliser. En tout ce sont 700t de fonte qui ont été utilisées dans la construction et l’équipement du laminoir.
Durant les premières années de cette nouvelle activité, la production sembla payer. En 1834 la Compagnie des Forges de Framont reçoit une médaille de bronze lors de l’Exposition des produits de l’industrie française . Cinq ans plus tard, c’est une médaille d’argent qui lui est décernée pour les « notables augmentations et améliorations » apportées à ses usines. Elle vend alors ses tôles aux industriels Stehelin et Hubert de Bitschwiller et Koechlin de Mulhouse pour la fabrication de locomotives.
Malgré tous ces efforts la spécialisation ne sauva pas les forges de Framont et en 1846 la compagnie est dissoute . Ce sont probablement les dépenses somptueuses de Bernard-Michel Champy qui donnèrent le coup fatal aux forges. À quelques centaines de mètres de sa nouvelle usine, il avait en effet fait construire un château, sans doute pour sa fille. Entre 1845 et 1846 , ce grand domaine est détruit pour l’essentiel, annonçant la ruine du propriétaire et de sa compagnie. La tradition populaire locale a attaché à l’histoire de ce château une fin teintée de scandale.
En 1847, une nouvelle compagnie des forges est créée avec un nouveau maître, Drion. L’échec de la compagnie précédente l’incita probablement à s’orienter vers une nouvelle activité. Depuis le XIIIe siècle au moins, l’activité minière avait extrait méthodiquement le minerai de fer des montagnes environnantes. Dans les vastes cavités typiques de ce type de gisement, on avait laissé en place une quantité énorme de pyrite, un sulfure de fer impropre à la métallurgie. La nouvelle compagnie n’avait de forge que le nom, car en 1850 elle demande l’autorisation d’établir une fabrique de produits chimiques. La pyrite allait servir à synthétiser de l’acide sulfurique et l’acide allait permettre de produire des sulfates.
Autour du laminoir c’est tout un complexe industriel qui sort alors de terre. À l’Est de la vaste usine-halle on construit des chambres de plomb, grandes pièces plaquées entièrement de plomb pour synthétiser l’acide sulfurique. À l’Ouest un bâtiment est construit à l’emplacement de l’ancien hallier. Il s’agit d’un des bâtiments où on produit les sels de soude.
Des logements ouvriers sont construits tout autour du site. Deux cheminées d’une trentaine de mètres évacuent d’une part la fumée des chaudières et d’autre part les gaz sulfureux qui persistent dans les chambres de plomb.
C’est dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle que les premières chambres de plomb furent installées en France. En 1850, le procédé était devenu beaucoup plus scientifique. L’acide était produit par injection de vapeur d’eau dans les chambres, pendant la combustion de la pyrite. Le procédé encore en perfectionnement était maintenu secret à Framont.
Cette nouvelle reconversion fut un échec. Le marché était probablement saturé, notamment par l’usine de Thann (qui existe encore !) qui fonctionnait depuis 1806 et approvisionnait largement l’industrie française en acide sulfurique. La production est suspendue en 1857 et un nouveau gérant tente de maintenir la compagnie par une simple activité de traitement de la pyrite (broyage et lessivage). Mais cette tentative fait long feu et en 1863 la seconde compagnie des forges est dissoute.
S’ensuit alors une succession de reconversions dont on ignore l’organisation dans le détail. Les forges sont rachetées par Coulaux-Sütterlin et Cie, propriétaire de la manufacture d’armes de Mutzig, qui deviendra en 1873 la société de Grosse quincaillerie de Mutzig-Framont. En 1892 le site du laminoir est occupé par une nouvelle industrie : une fabrique de pâte de bois d’origine suisse dirigée par un certain John Ribaux. Ce même directeur de fabrique deviendra en 1916 l’associé de Samuel Jequier, un industriel de l’horlogerie qui s’était installé à Framont dès 1914.
Le site du laminoir est alors une fabrique de verres de montres sous la raison sociale Théodore Jequier et Cie, Fabrique neuchâteloise de verres de montres. On ignore comment est organisé le partage des locaux entre la fabrique de verres de montres et celle de pâte de bois. En 1922, un an après la mort de John Ribaux, la fabrique de verres de montres quitte Framont pour la région de Pontarlier. La Fabrique d’outils de Mutzig-Framont fonctionne encore jusqu’en 1932 sans que l’on connaisse précisément l’emplacement de ses ateliers à Framont. À partir de 1922 on ne sait pas quelles sont les activités dans les locaux de l’ancien laminoir.
C’est en 1957 que le site ressort de l’ombre. Contre toute attente c’est la famille Diehl, des descendants directs de John Ribaux, qui fondent une entreprise, la Fabrique de Pâte de Bois de Framont. Cette nouvelle industrie fonctionne encore dans les années 1970. C’est la dernière activité industrielle sur le site du laminoir. Le laminoir devient un court de tennis dans les années 1980 puis le musée de la Deux-Chevaux, animé par une association locale, en 1998. Le musée quitte le site en 2011 pour Troisfontaines (Moselle). Depuis, les locaux sont inoccupés.
Actuellement toutes les installations techniques ont disparu sur le site. Mais il subsiste la pièce maîtresse : la grande usine-halle du laminoir dans son intégralité. À ces côtés le « bâtiment des sels de soude » est conservé dans un aspect proche de celui d’origine. Nous ne pouvons pas nous étendre ici plus longuement mais ces bâtiments ont conservé les caractéristiques architecturales propres à leur temps, ils sont comme des jalons sur la frise chronologique de l’évolution de l’industrie et de son architecture.
Leur état alarmant et la menace de démolition imminente brandie par la famille des derniers industriels nous obligent à répondre. C’est pour cette raison que nous allons créer une association fin février avec l’objectif de racheter le site. Notre association pilotera un projet de mise en valeur du patrimoine industriel et de développement local, en incluant le plus possible les collectivités locales.
Pour plus d’informations ou pour nous rejoindre, n’hésitez pas à nous contacter !
Mail : association.grabe@laposte.net
Téléphone : 06 30 12 73 18
Vue actuelle du laminoir de Framont. © F. Magar
Vue du complexe industriel de Framont au début du XXe siècle. La plupart des bâtiments visibles sur cette carte postale ont été construits lors de l'installation de la fabrique de produits chimiques. Au deuxième plan, au centre, le laminoir. Au fond, la cheminée. © Collection Denis Kleinknecht, Rothau.
En-tête de lettre de la fabrique de verres de montres Jequier et Cie. En haut à gauche, l’ensemble industriel du laminoir de Framont. © Collection Denis Kleinknecht, Rothau.
François Magar
L’ADAUHR est l’acronyme d’Agence Départementale d’Aménagement et d’Urbanisme du Haut-Rhin. Le sigle lui-même remonte à 1984, époque à laquelle le Conseil Général du Haut-Rhin, dans l’esprit de la décentralisation qui entrait alors en pratique, a souhaité regrouper et conforter des compétences issues des administrations et de ses propres structures satellites, dans les différents domaines du développement territorial.
La plus ancienne de ces structures, le Comité Départemental du Logement et de la Construction (CDLC), avait été organisé dans le contexte de crise du logement aigüe et de besoin de reconstruction consécutif à la deuxième guerre mondiale (il s’appelait alors CDLR – R pour reconstruction). L’ADAUHR de 1984 était une association de droit local « Alsace-Moselle », et les deux premières lettres signifiaient « Association pour le Développement… ».
L’évolution et la complexification des contextes réglementaires, ainsi que la recentralisation latente, ont fait que le Conseil Départemental 68 et l’ADAUHR ont dû, pour pérenniser l’outil, adapter le statut de celle-ci en « régie personnalisée » à partir du 1er janvier 2006, puis en « agence technique départementale » depuis le 1er janvier 2017.
Dès le départ, les principaux domaines de compétences de l’ADAUHR concernaient d’une part, les études territoriales (d’échelle supra-communale à départementale) et l’urbanisme réglementaire et d’autre part les études d’aménagement, dans un sens assez large allant de la faisabilité de programmes d’équipements publics, d’établissements recevant du public (ERP), voire d’extensions bâties incluant des réseaux viaires, à l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) auprès de collectivités ne disposant pas de services techniques intégrés.
L’AMO s’exerce à l’ADAUHR en amont de la réalisation des opérations, et prend en compte des études préalables (faisabilité), la rédaction des programmes et des documents réglementaires, en vue du recrutement des maîtres d’œuvre selon les modalités fixées par les réglementations relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et aux marchés publics. Dans ce domaine, il y a bien entendu des opérations concernant des bâtiments et ouvrages existants, dont certains font partie du patrimoine, protégé ou non.
La compétence « patrimoine historique et architectural » s’est constituée à l’ADAUHR dans les années 1980, d’une part à la faveur d’études spécifiques telles que le « Livre blanc de Soultz », et d’autre part avec l’implication de la structure dans l’action de subventionnement par le Conseil Général 68 des projets de restauration extérieure de maisons anciennes appartenant à des particuliers.
Initiée dès les années 1970, cette action a pris fin en 2010 pour des raisons financières, avant d’être réinitiée aujourd’hui sous une nouvelle forme. Différents chargés d’études de l’ADAUHR étaient chargés d’aller sur place avant et après les travaux, de rédiger les rapports de présentation des projets et de les présenter à la commission idoine. Dans ce cadre, il n’était pas réellement possible de réaliser des études historiques des bâtiments concernés, sinon à la marge (les ressources internet susceptibles de faciliter ce travail n’existaient pas alors). Cependant, les rapports de présentation, versés aux Archives Départementales, constituent un corpus qu’il sera peut-être un jour intéressant d’exploiter, notamment en raison de l’existence de vues avant et après travaux.
La compétence patrimoniale de l’ADAUHR est aujourd’hui mise à profit surtout en appui à des études ayant un autre objectif que la recherche. Ainsi, et sur le modèle de l’action entreprise au Conseil Général 67, y a-t-il eu deux bilans successifs (2001 et 2013) de la sécurité (du public et du bâti) dans les ruines de châteaux-forts vosgiens et jurassiens, et, surtout dans les années 1990-2000, plusieurs études importantes de l’évolution bâtie de sites industriels anciens, les plus notables étant Wesserling et Vieux-Thann (usine d’impression sur étoffes), en vue de définir des réutilisations possibles de foncier et de bâtis.
On peut également citer plusieurs AMO « patrimoniales » des années 1990 comme la restauration de la maison du XVIIe siècle dite aujourd’hui « la bascule » à Sierentz, ou la sauvegarde par démontage et transfert d’une maison du XVIIe siècle à Buethwiller et d’une grange du XIXe à Gommersdorf, remontées à Altenach pour constituer la « Maison de la Nature du Sundgau », où le rôle de l’AMO a notamment consisté à veiller au respect de la qualité patrimoniale des bâtiments, voire, lorsque cela était possible sans incertitude, à proposer des restitutions, notamment au niveau des ouvertures.
Il y a lieu de souligner que l’une des principales difficultés à la réutilisation publique d’édifices patrimoniaux réside dans l’application aux établissements recevant du public d’une réglementation très exigeante (sécurité – accessibilité), dont l’application peut aboutir à des pertes de substance ou à des complexités techniques au coût rédhibitoire. Enfin, l’analyse patrimoniale consiste parfois, hélas, en « inventaires avant décès », c’est -à-dire dans des contextes où la pression foncière et les projets développés semblent exclure a priori la conservation de l’existant (projets déjà très avancés, état du bâti…), et avec un temps imparti qui ne permet pas de recourir à une véritable recherche scientifique.
A contrario, des développements récents comme ceux de Habsheim (10, rue du maréchal Foch) sont plutôt exceptionnels. La commande par la Ville à l’ADAUHR d’une première approche architecturale et patrimoniale du bâtiment, en 2014, a été suivie d’une étude plus approfondie en 2015, assortie de relevés, et a permis de conforter, de la part d’un interlocuteur neutre et extérieur à la Commune, l’intérêt du bâtiment.
Incitée par l’engagement fort d’acteurs locaux tels que Jean-Jacques Wolf, la collectivité a ensuite pu bénéficier de l’implication de Marc Grodwohl et Rémy Claden, pour faire réaliser une étude dendrochronologique des structures en bois du bâtiment, qui a été livrée fin 2018. L’approfondissement des études, qui résulte des données fournies par celle-ci, pourra, souhaitons-le, déboucher sur la préservation de ce bâtiment.
Vue actuelle du laminoir de Framont. © F. Magar
Vue du complexe industriel de Framont au début du XXe siècle. La plupart des bâtiments visibles sur cette carte postale ont été construits lors de l'installation de la fabrique de produits chimiques. Au deuxième plan, au centre, le laminoir. Au fond, la cheminée. © Collection Denis Kleinknecht, Rothau.
En-tête de lettre de la fabrique de verres de montres Jequier et Cie. En haut à gauche, l’ensemble industriel du laminoir de Framont. © Collection Denis Kleinknecht, Rothau.
Thierry Fischer
Il n’est pas nécessaire de rappeler quel rôle le chanoine Straub a joué dans l’histoire de notre Société, dans celle du patrimoine alsacien et dans la sauvegarde des monuments et des objets anciens. Mort en 1891, il avait également été vicaire général et vicaire capitulaire du diocèse de Strasbourg. A sa mort, cet homme autant affable que savant fut inhumé au cimetière Saint-Urbain de Strasbourg, à côté de la chapelle catholique. Sa tombe est ornée d’un médaillon le représentant et une longue épitaphe rappelle ses titres et ses qualités. Le monument a subi les outrages du temps. La partie horizontale s’est enfoncée dans le sol, la stèle a dû être basculée par le service funéraire de la Ville. La concession risquait dès lors d’être reprise par la Ville.
Notre Société a lancé une souscription pour sauver le monument qui porte la mémoire du chanoine Straub. Le chapitre cathédral et des particuliers ont généreusement répondu à notre appel, la Société assurant le complément. Les travaux réalisés par la société Missemer ont permis de redresser l’ensemble qui a été inauguré le 30 janvier 2019. Reste à traiter l’inscription de la stèle : en effet, la surface est fortement érodée. Une deuxième phase d’intervention est à l’étude.
Catalogue du Musée du Pays de Hanau à Bouxwiller.
I.D. l’Édition, 2018, 176 p., ill.
Ni un guide du visiteur, ni un catalogue de collections, l’ouvrage est « le livre du Musée ».
et complète une visite approfondie. A travers quantité d’illustrations de grande qualité, il retrace les points forts du parcours sans omettre les objets modestes.
Le Musée du Pays de Hanau raconte un territoire alsacien réputé à la fois par ses seigneurs, les comtes de Hanau-Lichtenberg et leur train de vie aristocratique, que par certaines de ses traditions populaires : maisons, mobilier, costumes,… L’originalité de ce musée est de présenter des éléments du mobilier rural et « en miroir » des éléments de mobilier urbain. Elle pose par là la question, habituellement peu évoquée, du rôle des nombreuses villes petites et moyennes dans l’histoire de l’Alsace et du contact culturel entre bourgeois et paysans.
Grâce à la la participation de divers spécialistes (dont, Marie-Noële Denis, Jean-Claude Gall Dominique Toursel-Harster ou Bernard Vogler), les thèmes sont parfois inégalement valorisés, en fonction des affinités de chacun avec tel ou tel sujet, ce qui permet aussi de découvrir des objets mal connus, comme les orangers seigneuriaux, la production de bleu de Prusse à Bouxwiller ou la faune du Bastberg, sorcières comprises.
Bref, un livre de qualité pour un musée de qualité à visiter impérativement.
Malou Schneider
Kunhle (Gertrud), Argentorate. Le camp de la VIIIe légion et la présence militaire romaine à Strasbourg, 2 volumes, Monographies du Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence (tome 1 : 540 pages et 53 ill. ; tome 2 : 24 pages et 253 ill. et documents de format A4 et A3). ISBN : 978-3-88467-294-5 Prix : 120, 00 €.
Deux volumineux ouvrages viennent de paraître (en français), sous la signature de l’archéologue Gertrud Kuhnle, avec de nombreuses contributions, dans le cadre des prestigieuses monographies du Musée Romain-Germanique de Mayence : « Argentorate. Le camp de la VIIIe légion et la présence militaire à Strasbourg ». Cette somme est issue de la thèse de doctorat soutenue par l’auteur en novembre 2015 à l’École pratique des Hautes Études, sous la direction du professeur Michel Reddé. Ce remarquable travail est nourri des nombreuses fouilles préventives menées à Strasbourg par G. Kuhnle pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives. L’opportunité d’effectuer des interventions archéologiques dans l’enceinte même du camp légionnaire et une excellente connaissance du terrain lui ont permis de reprendre l’ensemble de la documentation disponible et de la ré-analyser à la lumière de ses propres découvertes. Deux sites, géographiquement proches, ont été plus particulièrement importants pour cette recherche : au 4, rue Brûlée lors de la création de la future école des Avocats et place du Petit-Broglie, avec la réhabilitation du Grenier d’Abondance.
L’analyse croisée des sources archéologiques, littéraires, iconographiques et épigraphiques permettent ainsi de retracer de façon plus précise et de renouveler en large partie nos connaissances sur l’histoire militaire de Strasbourg, en la replaçant dans le contexte plus large de la Germania superior, puis de la Germania prima. Les transformations successives du rempart du camp légionnaire ont été largement précisées, grâce à la fouille du Grenier d’Abondance : le rempart initial en terre et en bois, érigé par les soldats de la VIIIe légion à la fin du Ier siècle après J.-C., a été complété par un mur d’enceinte en pierre, adossé à ce rempart de terre au cours du IIe siècle. Au Bas-Empire, l’enceinte a été renforcée et munie de tours semi-circulaires et perdurera bien au-delà de la fin de l’Antiquité. Des informations nouvelles ont également été collectées sur l’habitat et la vie quotidienne des légionnaires. Une batterie de fours regroupés dans un fournil a été retrouvée dans l’intervallum, à proximité du rempart et de la voie intérieure qui fait le tour complet du camp (via sagularis). Pour la première fois également, sont apparues les fondations d’un baraquement double légionnaire lors des travaux du 4, rue Brûlée. Ce type de long bâtiment de plan rectangulaire constitue le lieu de vie d’une centurie, avec vestibule et chambrée pour des groupes de huit soldats.
L’éventail des méthodes d’analyses complémentaires mises en œuvre constitue un autre intérêt de cet ouvrage à travers les annexes qui l’accompagnent : datations par radiocarbone de piquets du Grenier d’Abondance, étude de la céramique et des pratiques alimentaires à travers la faune issue des deux sites, analyse des restes végétaux retrouvés dans un puits sur le site du Grenier d’Abondance, sans oublier les données paléo-métallurgiques, qui traduisent une activité liée au travail du fer, et pétrographiques (sur des éléments en pierre volcanique retrouvés dans les fondations de diverses constructions).
Le soin apporté à l’illustration, de même que sa qualité, ainsi que les très nombreux plans et relevés encartés dans le second tome, font de cet ouvrage un outil de travail incontournable non seulement pour les archéologues régionaux, mais aussi pour toute personne intéressée par l’Antiquité et, plus particulièrement, par l’histoire de Strasbourg.
Bernadette Schnitzler