Acteurs du patrimoine

Jean-Marie HOLDERBACH


Propos recueillis par Malou SCHNEIDER

JEAN-MARIE HOLDERBACH est un homme heureux. Il s’occupe tous azimuts de patrimoine archéologique et historique… Il aime ça et son enthousiasme est communicatif. Il ne s’est jamais cantonné à une période chronologique ou un secteur géographique ; il s’intéresse à la totalité du patrimoine alsacien et est ravi d’en faire découvrir les aspects si variés. Une aussi large ouverture d’esprit est rare et précieuse pour ses collègues qui font souvent appel à lui. Jean-Marie Holderbach a beaucoup publié, surtout en collaboration avec d’autres auteurs et on le trouve fréquemment cité dans les listes de remerciements. Il a participé à des ouvrages historiques, particulièrement les dictionnaires et les encyclopédies. Il aime en effet travailler en groupe et apprécie les approches pluridisciplinaires, qu’il trouve très enrichissantes.



Jean-Marie, quelle est votre formation et votre parcours professionnel ?
J’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours personnel et professionnel. Né en 1947 à Strasbourg, j’ai passé mon enfance à Souffelweyersheim et je suis encore reconnaissant à mes parents de m’avoir constamment encouragé à lire.

J’ai été envoyé à la Stadtschuel, au Collège moderne de garçons, futur lycée Louis Pasteur à Strasbourg.
Pour ma part, je m’intéressais déjà à l’histoire d’Alsace et étais indigné qu’elle ne soit pas enseignée à l’école.
Après le baccalauréat, j’ai fait partie d’une des toutes premières promotions de « Technicien supérieur en traitement de l’information ».

Avec ce bagage, alors exceptionnel, j’ai été sollicité par l’Hôpital civil de Strasbourg pour entrer au service de mécanographie, qui deviendra le « Centre régional d’informatique hospitalière », où j’étais en charge de la gestion des malades et d’applications médicales.
L’évolution a été extrêmement rapide dans ce domaine et je peux dire que j’ai vécu huit révolutions technologiques dans le cadre de mon travail.



Sur le site gallo-romain du Kempel à Hægen © Gilles Weber

Comment a commencé votre parcours parallèle, celui d’historien ?
Mes horaires de travail étant atypiques, je me rendais souvent aux Archives municipales alors toutes proches. Initié à la paléographie allemande par François-Joseph Fuchs, j’ai pu exploiter les registres des délibérations du Conseil des XXI (l'un des conseils qui gouvernaient la ville de Strasbourg entre les XIIIe et XVIIe siècles) et des Bauherren (directeurs des bâtiments). J’y recueillais les éléments concernant la toponymie ancienne de la ville et des propriétés municipales, ainsi que l’histoire des bâtiments. À partir de ces sources, j’ai rédigé des notices dont je faisais profiter d’autres chercheurs, notamment les archéologues.


Mais vous êtes aussi un homme de terrain, un archéologue ?
Ma rencontre avec Eugène Kurtz a déterminé un autre centre d’intérêt, car j’ai fait beaucoup de prospections archéologiques avec lui. J’ai appris à regarder et analyser le paysage, à prêter attention à ce qui est caché sous son aspect actuel. Avec l’aval de François Pétry, alors directeur des Antiquités historiques à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Alsace, j’ai régulièrement fait des prospections de surface sur des sites archéologiques, par exemple sur la colline de Hausbergen, où j’ai découvert des éléments de faune paléolithique dans le lœss à 140 m d’altitude ! J’ai participé à différentes opérations de recensement : celui des bornes marquant la frontière sur le Rhin (bornes « Noblat » et « Tulla ») et celui des bornes armoriées dans le massif vosgien. Cela m’a amené à sortir (concrètement) des sentiers battus et à repérer de nombreux sites anciens. J’ai participé à plusieurs chantiers archéologiques et ai dirigé la fouille d’un enclos funéraire du site gallo-romain du Kempel (commune de Hægen, Bas-Rhin). Pour partager mes découvertes, je donne des conférences et je fais bénévolement des visites, en particulier au Donon.


Vous faites partie de plusieurs sociétés savantes d’Alsace ?
En 1980, je suis entré à la Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace et ai été très vite recruté par Marcel Thomann pour participer au recensement des croix rurales et des bornes. Depuis 1989, je fais partie de la commission « Inventaire et Sauvegarde » et suis devenu en 1993 vice-président de la Fédération, où je suis en charge des relations transfrontalières. Au début des années quatre-vingt, lors du lancement du NDBA, le fameux Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, j’ai mis mes compétences en informatique au service de la réalisation des notices et de la préparation du travail de l’imprimeur. J’ai aussi rédigé une dizaine de notices. J’ai par ailleurs collaboré à l’inventaire des tombes remarquables des cimetières de Strasbourg, projet dirigé et mené à bien par Bernadette Schnitzler. Dans le même ordre d’idées, j’ai été sollicité pour collaborer à la nouvelle édition du Dictionnaire des noms de rues à Strasbourg. En 1996, c’est l’Association des Amis des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg qui m’a demandé de participer aux recherches sur l’histoire des bâtiments hospitaliers et je suis à présent rédacteur en chef de la revue Histoire et patrimoine hospitalier, que j’avais d’ailleurs fondée.


Vous avez le souci de protéger le patrimoine et de transmettre vos connaissances…
La préservation du patrimoine est une de mes préoccupations majeures. Elle s’étend à tous les domaines et à tous les aspects, y compris le petit patrimoine non protégé (PPNP). Je suis heureux d’agir auprès d’organismes comme l’Office national des Forêts (ONF), où je tente de donner aux agents forestiers des notions de sauvegarde du patrimoine, ou le Conservatoire des Sites alsaciens, dont je suis membre du comité directeur en tant que conseiller archéologique. J’ai à cœur de transmettre à tous mes connaissances et ma passion.


La passion de la découverte archéologique et historique en Alsace suffirait à remplir une vie, mais je crois que d’autres lieux vous attirent aussi…
J’aime les activités physiques en relation avec la nature. Et, à l’autre bout de la France, je pratique avec grand plaisir des sports nautiques comme la voile ou le surf, et aussi le kitesurf (sur planche tractée par un cerf-volant). J’ai brièvement fait de la course automobile en 1979-1980, mais je suis assez vite passé à autre chose.


Et aujourd’hui ?
Parmi plusieurs recherches en cours, je participe au recensement des tombes de soldats enterrés au Petit Donon, en vue d’un classement du site au Patrimoine mondial de l’UNESCO.



Découvrir les autres acteurs du patrimoine


Cette rubrique vise à faire connaître les acteurs du patrimoine œuvrant dans la région, qu’ils soient professionnels ou bénévoles impliqués dans des associations, qu’ils soient en charge de la gestion ou de la protection du patrimoine, chercheurs (historiens, et historiens de l’art, archéologues, etc.), architectes, artisans, restaurateurs, etc. L’important est qu’ils soient passionnés et que leur action soit remarquable.