Les lettres d'information de la Société

Actualités, interviews, agendas, … retrouvez les dernières informations consacrées au patrimoine alsacien dans la Lettre d’informations !

Pour recevoir les lettres d’information directement chez vous adhérez !



Retrouvez les archives des conférences de la Société pour la Conservation des Monuments historiques d'Alsace ...


N° 54 – novembre 2018


Télécharger le PDF

Sommaire




Éditorial




Bien chers amis,

Notre Société ne devrait s'occuper que de monuments, fouilles ou objets d'art. Mais depuis notre dernière Lettre d'informations, l'événement qui m'a paru être le plus important est la démission de Nicolas Hulot du ministère de l'Écologie. D'abord, parce que dans le domaine du patrimoine, nous ne pouvons pas être insensibles au volet paysager, qui pour l'essentiel est aussi une construction de l'homme. Mais surtout, il est parti sur un constat d'échec, celui de l'incapacité de nos gouvernements à travailler sur le long terme et ici plus précisément à comprendre où sont les priorités.

La démarche productiviste qu'il a dénoncée emporte tout sur son passage et menace à terme la survie de la planète. Le France n'est pas seule en cause, on le sait bien, mais sa voix porte loin et le départ de Nicolas Hulot est un échec pour tous. Pour bien comprendre ce qui est en cause, il nous suffit d'évoquer une autre grande affaire du moment, cette fois plus régionale, en l'occurrence le démarrage des travaux du contournement ouest de Strasbourg (COS, auparavant GCO).

Toutes les études, y compris des promoteurs du projet lui-même, nous disent que la circulation autour de Strasbourg ne sera déviée que de quelques 15 % au mieux. Et tout le monde sait aussi que la congestion automobile autour de Strasbourg est liée aux mouvements pendulaires des habitants d'ici et beaucoup moins aux camions de passage. On nous promet ensuite un boulevard urbain, au format HQE (haute qualité environnementale), mais dont nous aurions aimé voir les contours avant d'engager le massacre des terres agricoles fertiles. Si l'acte I post COS destiné à faire diminuer le nombre de voitures est le projet annoncé d'un nouveau grand parking souterrain dans le centre-ville, on aura tout gagné : les camions en transit sur la nouvelle route et les voitures des autochtones empilées sous la Neustadt...

Bref, même si le COS a été approuvé par notre ministre démissionnaire, nous sommes bien là dans la spirale infernale dénoncée, qui consiste à répondre ponctuellement à un problème général. À qui profite le crime ? Aux investisseurs dont les dividendes augmentent de façon disproportionnelle aux besoins réels de citoyens qui n'en peuvent mais. Et notre patrimoine à nous dans tout ça ? Il nous semble être happé par le même monde de l'argent-roi. Déjà, on avait observé ces dernières années le nombre croissant de projets d'hôtels de luxe dans les châteaux et grandes demeures urbaines en déshérence. Mais c'est le loto du patrimoine qui nous parait être un indice fort du découplage en cours entre un petit monde des affaires et une majorité sans voix.

Même si ici et là on a entendu que cette forme de financement de la restauration d'un patrimoine commun était en opposition avec les principes de notre démocratie qui voyait dans l'impôt la seule ressource juste pour un investissement dans l'intérêt de la collectivité, c'est avant tout dans le détail des modalités du loto que se cache le diable de notre expropriation collective. On a appris en effet, par la bouche même de l'inventeur de ce loto, que l'écrasante proportion des recettes (85 %) allait dans les caisses de la Française des Jeux, comme pour tous les autres jeux d'argent, ne laissant que des miettes pour ceux qui devaient les employer pour la conservation de nos monuments. Or si l'idée de départ avait du sens, soit permettre à des gens de donner une obole en direct pour la préservation et l'entretien de monuments dont on voit bien qu'ils souffrent du fait de l'ampleur même des investissements nécessaires, à l'arrivée, ceux qu'on pourrait appeler les petits porteurs, comme avant les crises du début du XXe siècle, se sentent légitimement lésés. La publicité faite autour du projet, tant pour les propriétaires ou ayant-droits de monuments, qui entrevoyaient une bouffée d'oxygène, que pour les contributeurs est de fait mensongère.

Au total, mises bout à bout, ces diverses considérations tournent toutes autour du même constat, celui de la difficulté croissante de promouvoir l'intérêt collectif. Et celui-ci, à notre sens, passe aussi par la conservation du legs en ressources naturelles et anthropiques : notre passé est un investissement, mais ce capital s'épuise.

Jean-Jacques SCHWIEN





Menaces sur les vestiges du château de Sierentz


Le château des Waldner de Freundstein était situé au centre de Sierentz. Au milieu du XVIIIe siècle, il fut fortement restructuré pour s’adapter aux projets industriels des Waldner : manufacture de coton et d’indiennage, faïencerie, pépinière, etc. À ce moment, l’ancien logis seigneurial fut délaissé et les Waldner transférèrent leur résidence dans une dépendance, peut-être un important grenier à céréales de 26,50 m de long sur 8,50 m de large, à deux étages partiellement sur cave. Ce bâtiment a été relevé et étudié par Marc Grodwohl et daté par dendrochronologie de 1585.

Avec une autre cave voûtée, il est le seul vestige d’un ensemble seigneurial qui tient par ailleurs une place importante dans l’histoire industrielle de cette région. À ce titre, la municipalité de Sierentz l’a, en son temps, jugé digne d’être protégé dans le cadre du PLU (Plan local d’urbanisme).

Or, un projet immobilier d’envergure est prévu sur le terrain d’assiette de ce bâtiment et des bâtiments environnants. Sa réalisation nécessiterait la démolition du bâtiment historique ; celle-ci ne peut intervenir qu’au terme d’une procédure de révision du PLU autorisant le « déclassement ». Cette procédure a donné lieu à une enquête d’utilité publique, close le 3 août 2018.

Le dossier présenté par la Ville de Sierentz présente de nombreuses lacunes signalées au commissaire-enquêteur. Par exemple, rien ne dit comment un bâtiment classé par la commune voici quelques années se transforme, pour les besoins de la cause, en une « façade [qui n’est] finalement qu’un pastiche sans valeur historique ». « La vétusté », « l’état sanitaire médiocre », « le risque pour les usagers de la voie publique » sont invoqués sans expertise à l’appui. De nombreux habitants de Sierentz et environs et des associations ont fait part de leurs arguments au commissaire enquêteur, qui a également pris acte d’une pétition.

Le dossier est emblématique de la pression foncière exacerbée dans cette région frontalière. La création de nouveaux logements est évidemment un besoin légitime de la population. Dans le cas présent, la démolition n’est pas impérativement nécessaire pour la réussite d’un projet de densification de l’habitat. Au contraire et dans le cadre d’un projet urbain visant au bien-être des habitants, le bâtiment ancien aurait pu être un élément clef d’un nouveau centre-ville, dans une commune qui a par ailleurs à son actif l’une ou l’autre belle réalisation patrimoniale. Au-delà de l’intérêt ponctuel du monument, de l’anomalie d’une procédure de « déclassement » initiée par la même autorité que celle à l’origine de la protection, cette affaire montre l’extrême difficulté à construire une vision partagée d’un modèle de développement de nos centres anciens, de ces villages aujourd’hui noyés dans la ville.

Dernière minute : les journaux de la région viennent de faire état de la décision prise en conseil municipal du 19 septembre 2018 de se rendre aux conclusions du commissaire-enquêteur. Ce dernier avait rendu un avis défavorable à la révision du PLU. Le bâtiment reste donc protégé par le document d’urbanisme. Le destin de l’édifice, qui n’appartient pas à la commune, est à présent tributaire de l’initiative privée. Notre Société, qui au cours de l'été avait soutenu les diverses prises de position des opposants à cette démolition et écrit dans ce sens au commissaire-enquêteur, restera bien entendu vigilante quant aux suites données.

Vue du pignon est et de la façade sud © M. Grodwohl

Vue de la façade sud du bâtiment en 1913 © P.-B. Munch


Marc GRODWOHL





2018 : une restauration d'envergure pour le retable d'Issenheim



En 2011, le musée Unterlinden de Colmar entamait une campagne de restauration partielle des panneaux peints du retable d’Issenheim, chef-d’œuvre absolu de ses collections, commandité par le précepteur de la commanderie des Antonins d’Issenheim et associant respectivement les talents de peintre et de sculpteur de Mathias Grünewald et de Nicolas de Haguenau (1490-1516).

Une polémique interrompt bientôt le chantier à la suite d’un article signé de Didier Rykner, directeur du site web spécialisé La Tribune de l’Art. Ses inquiétudes partagées par certains experts portent essentiellement non sur la qualité de la restauration et des intervenants, mais sur sa rapidité qui lui paraît peu compatible avec les égards dus à une œuvre aussi emblématique que sensible. À l’époque, les travaux avaient été confiés à deux restauratrices familières de l’œuvre, qui avaient allégé de leur vernis un panneau peint et la moitié d’un autre en l’espace de quelques jours, au lieu des semaines généralement requises pour ce type d’intervention. Un important délai de réflexion a été mis à profit pour affiner la déontologie de restauration et mettre sur pied une nouvelle campagne de travaux à la fois globale et pluridisciplinaire, puisqu’elle va toucher aussi bien le mobilier que la sculpture et la peinture, et bien plus longue, car étalée sur environ quatre années, levant ainsi les inquiétudes suscitées sept ans auparavant.

Ce parti pris de restauration se révèle plus satisfaisant aussi car il contribuera in fine à l’homogénéité visuelle de l’œuvre magistrale. Pour la statuaire séculairement empoussiérée et présentant de multiples soulèvements, il s’agira au préalable d’enrayer le processus de dégradation. Quant aux fameux panneaux peints, progressivement assombris par des vernis et certains repeints, ils devraient à terme retrouver une palette chromatique au plus proche de la vision lumineuse de Grünewald. Sous la houlette scientifique du C2RMF (Centre de recherches et de restauration des musées de France), deux équipes d’une trentaine de conservateurs-restaurateurs au total ont été mises sur pied. Juliette Lévy est chargée de coordonner le chantier des sculptures, la coordination de la restauration des peintures a été confiée à Anthony Pontabry.

Plus complexe, plus fine et plus étalée dans le temps, la campagne de restauration débutée en 2018 sera évidemment plus coûteuse (coût annoncé : 650 000 € pour la restauration stricto sensu et jusqu’à 1,2 millions € en incluant d’autres prestations). L’État propriétaire de l’œuvre apportera sa contribution à hauteur de 200 000 €. Les travaux bénéficieront notamment des mécénats suivants : Crédit Agricole Alsace Vosges, Timken, AG2R, Weleda, Spie Est… sans compter la Fondation du Patrimoine (Délégation Alsace) qui se joint à l’opération par un apport de 100 000 €, auxquels s’ajoutent près de 20 000 € de collecte. La Société Schongauer, administratrice du musée, mobilisera la générosité des donateurs privés par le biais d’une campagne de financement participatif recueillant les dons à partir de 10 €. Le public aura la possibilité d’assister aux différentes étapes de la restauration qui se déroulera en partie in situ, à l’abri d’une paroi de verre.

Dominique TOURSEL-HARSTER





Études du bâti et valorisation du patrimoine : un idéal en danger ?


Un article à paraître dans nos prochains Cahiers, fin 2018, attire l'attention, une fois encore, sur des bâtiments patrimoniaux réhabilités sans étude scientifique préalable. Le bâtiment en question est une très belle demeure du milieu du XVIe siècle au 1 rue du Bouclier à Strasbourg. Sa transformation en hôtel en 2010 y a permis la découverte de peintures murales de qualité au cours des travaux. L'article de Mme Vuillemard-Jenn analyse ces peintures en termes de programme décoratif dans un édifice acquis en 1570 par un notable, en partant des vestiges restaurés et de quelques éléments documentaires obtenus auprès de la personne ayant procédé à ces restaurations. L'article en question ne pose aucun problème en soi, l'auteur étant une chercheuse reconnue, exposant savamment les données observables. Et notre Société lui sait gré d'avoir spontanément engagé l'étude de l'édifice et de son décor, apportant par là même un regard sur des éléments qui étaient encore inconnus, y compris de beaucoup des connaisseurs du Strasbourg ancien.

Ce qui est en cause, c'est le processus de restauration sans véritable accompagnement scientifique d'un bâtiment ancien, situé dans le secteur sauvegardé aux confins de la Petite France. Le règlement de ce secteur sauvegardé, établi dès 1973, préconisait la conservation du lieu (code du plan avec larges hachures obliques noires). Le texte révisé en 2009 stipule que « ces mesures de conservation s’étendent aux éléments d’architecture intérieure tels que, notamment, escaliers, [...] cheminées [...] ainsi qu’aux décors peints ou sculptés [...]. Leur maintien en place et leur restauration doivent être assurés dans les mêmes conditions de soins et de respect de l’authenticité que les éléments extérieurs ».

Les divers vestiges ainsi protégés ne sont pas toujours immédiatement visibles dans l'état avant travaux. Mais depuis la réhabilitation de nombreux lieux, dont les plus emblématiques à Strasbourg sont l'ancienne imprimerie Istra et la droguerie du Serpent, on connait le formidable potentiel de ces édifices anciens, ce qui donne tout son sens à l'esprit de la protection du secteur sauvegardé. Tous les travaux dans cet espace ne peuvent certes pas faire l'objet d'un suivi lourd, mais il nous semble que des édifices homogènes de la Renaissance qui sont transformés en profondeur, ce qui est le cas du 1 rue du Bouclier, auraient dû faire l'objet d'une étude d'archéologie du bâti conséquente.

Façade principale de la maison 1 rue du Bouclier à Strasbourg © J.-J. Schwien

Que pouvait-on en attendre ?
D'abord des éléments sur l'histoire ancienne du lieu. On sait aujourd'hui que beaucoup de constructions à la Renaissance et même encore en partie au XVIIIe siècle ont pratiqué un rhabillage plus ou moins important de maisons plus anciennes. Leur mise au jour, sous les plâtres, les faux-plafonds, les divers cloisonnements nécessite le plus souvent des trésors d'ingéniosité pour comprendre une organisation antérieure accessible seulement par bribes ; un regard superficiel en cours de travaux ne suffit pas. Pour la rue du Bouclier, nous ne saurons donc pas ce qui était conservé d'une histoire dont les textes permettent de remonter au moins jusqu'en 1350.

D'abord des éléments sur l'histoire ancienne du lieu. On sait aujourd'hui que beaucoup de constructions à la Renaissance et même encore en partie au XVIIIe siècle ont pratiqué un rhabillage plus ou moins important de maisons plus anciennes. Leur mise au jour, sous les plâtres, les faux-plafonds, les divers cloisonnements nécessite le plus souvent des trésors d'ingéniosité pour comprendre une organisation antérieure accessible seulement par bribes ; un regard superficiel en cours de travaux ne suffit pas. Pour la rue du Bouclier, nous ne saurons donc pas ce qui était conservé d'une histoire dont les textes permettent de remonter au moins jusqu'en 1350.

Ensuite, c'est l'édifice dans son état patrimonial principal qui est un enjeu. Dans notre cas, les peintures auraient dû faire l'objet de relevés précis dont la juxtaposition in fine aurait peut être livré les clés du programme iconographique et permis de les restaurer en conséquence. Or, ici, ces éléments paraissent avoir été restaurés au fur et à mesure, sans même toujours les photos constituant une documentation primaire minimaliste, et donc avec un grand risque d'erreur. Mais le décor n'est pas le seul enjeu.

Une compréhension de l'organisation fonctionnelle du bâtiment, accessible au travers des études archéologiques des sols et élévations pour localiser et distinguer les communs, espaces d'apparat, chambres, etc. aurait permis de contextualiser les éléments décoratifs à une autre échelle et avec plus de sûreté que ce que Mme Vuillemard-Jenn a pu réaliser. Bref, dans le cadre d'un espace protégé, la composante patrimoniale devrait servir de fil directeur initial dans le projet de restauration : l'expertise patrimoniale approfondie est ici aussi importante que celle de l'état sanitaire du bâtiment ou de la qualité de ses fondations. C'est ensuite seulement que devrait être réalisé ou tout au moins approfondi le programme d'aménagement tenant compte de la hiérarchie des éléments intéressant le patrimoine, dans la limite des conditions d'habitabilité du lieu.

Quel est le résultat ?
Nous avons aujourd'hui un édifice dont la volumétrie originelle est respectée et qui a adapté tant les intérieurs que les abords extérieurs aux nécessités du projet hôtelier tout comme aux normes de confort, de sécurité et de respect de l'environnement actuelles. Des éléments du décor peint intérieur ont été restaurés, le pignon extérieur ayant été agrémenté de fresques neuves, encadrant un cadran solaire d'origine.

Il n'y a en cela rien de répréhensible : le bâti ancien, pour continuer à vivre, doit s'adapter. La question est de savoir jusqu'à quel point. Or, on note que si les volumétries sont préservées, les intérieurs sont les parents pauvres de la réflexion, avant tout du fait de leur méconnaissance liée à la rareté des études préalables. Et pourtant, on l'a vu avec le développement de l'archéologie préventive (des sous-sols), les études systématiques ne sont pas incompatibles avec le développement urbain. Dans le cas des bâtiments, leur mise en œuvre permettrait de conserver parfois des originaux, d'en adapter d'autres sans trahir l'esprit du lieu aux fonctionnalités requises, de détruire aussi mais en connaissance de cause et avec une conservation documentaire.

Ce laisser-aller global que nous observons nous semble être en contradiction avec l'usage social et économique que nous faisons de la notion de patrimoine. Cette maison peinte est évidemment un faire-valoir pour notre hôtelier. Le spécialiste sait aujourd'hui que sa valeur patrimoniale réelle a toutefois été singulièrement tronquée. Mais au-delà du cas individuel, c'est toute la politique touristique de nos villes qui tire un profit de l'énorme effort de préservation des volumes anciens, alors même que ce patrimoine s'érode de façon intrinsèque à grande échelle, par la destruction massive de sa substance cachée. Notre bâti ancien se transforme progressivement, mais sûrement et rapidement en coquilles à colombages ou façades peintes mais sans la substantifique moelle que constitue la structure interne de ces édifices. La grande question est ainsi celle du rapport à l'authenticité de notre discours sur le patrimoine bâti.

L'architecte s'y retrouve peut-être, qui préserve des volumes, et qui parfois y trouve le support pour y imprimer sa propre créativité. Le propriétaire, qui doit faire face à des exigences de conservation des services de l'État qui lui semblent parfois indues ou insupportables financièrement, s'y retrouve aussi en termes de plus-value. La collectivité, qui peine souvent à concilier structures anciennes et nouveaux usages (voiture, sécurité incendie, etc.), profite pleinement au total de la déambulation touristique, allant de pair avec la fréquentation des restaurants, hôtels et autres commerces. Mais derrière tout cela, l'absence d'études sérieuses et, donc, de décisions conservatoires et de valorisation en rapport avec la qualité réelle des vestiges, produit un discours de façade dont il faudra bien un jour tirer les conséquences.

Où est le problème ?
Il n'est ni dans le corpus réglementaire ni dans la réflexion théorique sur les moyens et objectifs de la valorisation d'un patrimoine authentique. Il est avant tout dans la pénurie des personnels de l'État qui peinent à répondre à la masse des projets qui relèvent de leur compétence. Mais il est aussi dans la fuite en avant d'une société qui privilégie le profit immédiat et à tous les niveaux, celui de la production industrielle tout comme de l'investissement foncier, bâti ancien y compris.

La plus-value de l'argent qui circule n'est plus mise au profit de la collectivité mais accaparée par des détenteurs qui cherchent à en augmenter encore et tout de suite le volume par des mécanismes uniquement financiers. Le patrimoine en souffre, comme le reste de la société, parce que ces mécanismes sont destructeurs. Pour conserver un patrimoine authentique, il faut du temps, pour l'étude de terrain et la réflexion sur les programmes de valorisation, avec des mécanismes de répartition des charges ad hoc entre collectivité et promoteurs, mécanismes qui existent en grande partie mais détournés au profit de leur seule valorisation financière.

Pour finir, la situation nous parait d'autant plus grave que le sommet de l'État adapte aujourd'hui les principes du libéralisme économique non pas seulement au domaine du flux touristique, mais aussi à celui de la gestion en amont du patrimoine, avec la mise en place d'un loto du même nom qui, dans les faits, court-circuite les services dédiés.

Aquarelle d’Henri Solveen (1891-1956). © Archiwiki



Jean-Jacques SCHWIEN





Pub !


Cette rubrique de notre Lettre d’information est ouverte à tous nos lecteurs et sympathisants : n'hésitez pas à nous envoyer vos perles.


Le télescopage entre l'actualité et les encarts publicitaires est parfois cruel. On en veut pour preuve cette publicité d'une filiale du promoteur du COS (ou Contournement Ouest de Strasbourg), paru dans les DNA le jour même où étaient tronçonnés les vieux chênes à Kolbsheim et Vendenheim, premier acte d'un nouveau bétonnage de nos terres agricoles et de la diminution d'autant de notre biodiversité. Tout ceci est fait pour nous (4-you) et nous éviter tout problème à l'avenir. Le bonheur contre notre gré.



Jean-Jacques SCHWIEN