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N° 53 – juin 2018


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Sommaire




Éditorial




Chers amis,

Comme promis dans notre Lettre d'information précédente, je vous livre un certain nombre de réflexions qui m'ont conduit à accepter les sollicitations amicales me conviant à postuler à la présidence de notre Société. Je ne vous cache pas avoir beaucoup hésité, la prise en charge des destinées d'une aussi vieille et honorable maison qu'est la SCMHA requérant du temps que mes activités professionnelles ne me laissent guère. Si j'ai finalement sauté le pas, c'est pour des raisons tant personnelles qu'intellectuelles.

La première des raisons personnelles est mon investissement de longue date dans la Société. J'en suis membre depuis 1987 et au Bureau depuis 1992, avec comme mission plus particulière l'organisation de nombreux cycles de conférences. Une seconde raison, et elle est essentielle, est l'ambiance amicale et chaleureuse de notre Bureau : composé de personnalités très diverses mais aux compétences complémentaires, c'est une équipe très soudée avec qui je sais d'expérience pouvoir réaliser un travail collectif de qualité. Mais, bien évidemment, c'est avant tout sur des considérations programmatiques que j'ai envisagé de m'engager. Ces considérations s'articulent entre continuité et renouvellement.

Je souhaite en effet m'inscrire dans les pas de mon ami Guy Bronner, qui a tenu fermement les rênes de la Société pendant une trentaine d'années. Je tiens à lui rendre hommage pour sa culture éclectique et sa vision dynamique du patrimoine, œuvrant avec passion, parfois même de façon un peu provocante, pour la préservation et surtout l'insertion de nos monuments et sites dans la société du XXI e siècle.

L'œuvre à continuer est aussi l'esprit sinon la lettre des objectifs statutaires de notre Société : la conservation des Monuments historiques, en intervenant de telle sorte à en prévenir la ruine ou la disparition, en s'efforçant de transmettre au public toutes les connaissances à leur sujet. Parmi les projets et perspectives qui ont été dégagés ces temps derniers au sein de notre bureau et que j'entends poursuivre, il y a par exemple l'élaboration sur notre site web de parcours thématiques dans le domaine de l'architecture, de l'archéologie, des jardins..., en complément du Dictionnaire des Monuments historiques publié en 1995. Il y a également un bilan critique à faire des restaurations ou aménagements réalisés dans notre région depuis la création du Ministère de la Culture, tenant compte autant des réussites que de ce que nous pourrions appeler les « ratés du patrimoine ». Enfin, du fait de la création récente de la Région Grand Est, qui a mécaniquement réduit la représentativité du monde associatif dans la Commission Régionale du Patrimoine et de l'Architecture, nous envisageons la formation d'un « Observatoire du patrimoine » qui réunirait les associations dans le domaine du patrimoine bâti en Alsace. Cet observatoire aurait vocation à pointer les projets qui mettent en péril des bâtiments intéressants et à constituer des dossiers thématiques à soumettre à la réflexion des services de l'État et des pouvoirs publics, de manière à promouvoir le rôle d'alerte et de relais qui a toujours été le nôtre.

Mais notre Société me paraît aussi devoir engager une réflexion sur sa place et ses missions dans la société actuelle. En effet, née au milieu du XIX e siècle, avec comme projet de découvrir, protéger, restaurer, entretenir et valoriser les éléments matériels (archéologiques, bâtis et autres) de l'histoire de l’Alsace, elle a de fait progressivement perdu la main au fur et à mesure du développement des services de l'État chargés de la gestion du patrimoine. En parallèle se sont créées en grand nombre des associations dont les objectifs convergent pour partie avec les nôtres, dans le domaine de l'archéologie, des musées, des châteaux, des maisons rurales, du bâti urbain, du patrimoine religieux, des monuments napoléoniens, etc. Dans ce contexte, notre Société aurait pu s'ériger en coordinateur régional, mais ce rôle lui a été refusé lors de la création d'une première Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie en 1912 et, depuis, elle n'a jamais su ou voulu assurer une telle mission.

Il n'est bien sûr pas question d'envisager une quelconque concurrence avec ces sociétés amies mais, pour ne pas mourir à petit feu, une mutation, voire une refondation me semble nécessaire. Cette réflexion doit être collective. Elle pourrait prendre la forme d'un colloque qui, outre nos membres, ferait appel à des personnalités œuvrant dans le domaine du patrimoine régional, pour lister le travail accompli et suggérer des objectifs adaptés aux besoins actuels de notre société. Je n'ai pour ma part pas d'idées arrêtées mais puis, Lettre d’information de la SCMHA n° 53 – mai 2018 2 d'ores et déjà, évoquer un état d'esprit général, à soumettre lors de cette rencontre.

Nos activités actuelles tournent autour du rapport entre la recherche et la diffusion des connaissances à un large public, par le biais des conférences, sorties et publications. Nous avons également un rôle ponctuel de relais pour signaler des projets patrimoniaux (en positif ou négatif), de même qu'une mission d'alerte pour pointer ce qui nous apparaîtrait comme d’éventuels dysfonction- nements des institutions en charge du patrimoine. C'est dans ce rapport entre grand public et institutions que se situent à mon sens la spécificité et l'intérêt d'une association comme la nôtre. Mais au lieu d'être seulement un relais, nous devrions redevenir des acteurs dans le domaine du patrimoine. Parmi de premières pistes, on pourrait songer par exemple à la mise en place d'un « rallye du patrimoine » lors des Journées du même nom. On pourrait également créer un « Prix du patrimoine » qui récompenserait annuellement des réalisations remarquables. À l'instar des secteurs sauvegardés d'André Malraux, élaborés pour les villes, il y aurait par ailleurs à appréhender le devenir des centres anciens de nos villages en termes d'urbanisme, pour lutter contre une trop grande disparité entre maisons anciennes et réalisations contemporaines. Enfin, à côté de la préservation de nos enceintes, châteaux, églises ou maisons bourgeoises, il faudrait fédérer les initiatives ponctuelles contre l'érosion trop souvent silencieuse du patrimoine industriel, habitat ouvrier et demeures de maîtres compris, pour en faire un enjeu collectif.

Ces perspectives devraient à mon sens conduire à reconsidérer le nom actuel de notre Société. Au-delà de la confusion avec les services de l'État du même nom, le terme de « Monuments historiques » est trop réducteur, puisque nos activités et réflexions se sont progressivement élargies à un patrimoine anthropique multiforme et à son contexte. Mais c'est avant tout le terme de « conservation » qui est à revisiter, pour ne pas apparaître comme les tenants d'un passé nostalgique, mais au contraire comme une association résolument ouverte aux réalités actuelles, tenant compte des changements de nos modes de vie, comportements et besoins. Ce sera le prix pour rester un interlocuteur transmettant aux générations à venir des bâtiments, espaces ou éléments matériels parfois de belle facture, le plus souvent témoins d'une intelligence technique et toujours inscrits dans une durabilité qui devrait inspirer nos promoteurs et décideurs actuels.

Jean-Jacques SCHWIEN





Un « petit patrimoine rural non protégé» le travail (à ferrer les boeurfs) d'Obernai


Parmi les éléments faisant partie du patrimoine figure une catégorie appelée « patrimoine rural non protégé » (PRNP). D’après le décret du 20 juillet 2005, il est « constitué par les édifices qui présentent un intérêt du point de vue de la mémoire attachée au cadre bâti des territoires ruraux ou de la préservation de savoir-faire ou qui abritent des objets ou décors protégés au titre des Monuments historiques, situés dans des communes rurales et des zones urbaines de faible densité ». Considéré comme trop banal ou sériel pour être protégé en totalité par l’État au titre des Monuments historiques – qui peut néanmoins en protéger certains éléments représentatifs –, le petit patrimoine rural est généralement conservé et mis en valeur par les départements ou les collectivités locales. Il s’agit majoritairement d’édifices en pierre : lavoirs, calvaires, bornes, bancs et autres, qui ont perdu leur fonction initiale. Étant construits en matière périssable, les édifices en bois sont plus rarement conservés. Il en est ainsi des travails à ferrer les grands animaux, dont la disparition résulte de la mécanisation de l’agriculture, mais aussi de la méconnaissance de leur fonction par le public. En Alsace, un travail est présenté à l’Écomusée d’Alsace à Ungersheim.

Implanté dans un espace extérieur, le travail (ou métier à ferrer, du latin tri palium – trois pieux –, au pluriel « travails ») est un dispositif destiné à maintenir les animaux de trait pendant qu’ils sont ferrés ou soignés, tout particulièrement les bovins, qui ne peuvent se tenir sur trois pattes comme les chevaux. Un membre de notre Société nous a signalé l’un de ces travails à Obernai, rue du Rempart Monseigneur Caspar, à l’arrière du bâtiment appelé « Maison natale de Sainte-Odile ». Quatre poteaux verticaux sont reliés à leur sommet par des poutres, solidement contreventées par des aisseliers, sur lesquelles a été posée une tôle ondulée. L’animal à ferrer était introduit dans le dispositif, puis on l’entravait par des sangles et des sous-ventrières rattachées aux treuils horizontaux latéraux ; celles-ci pouvaient être serrées puis bloquées grâce à une crémaillère, immobilisant et soutenant ainsi l’animal. À l’arrière, il manque la pièce transversale maintenue grâce aux deux barres de fer dont la longueur était réglable. Cette pièce permettait de soulever avec des cordes la patte arrière que le maréchal-ferrant devait ferrer ou soigner.

Sur le bâti du travail d’Obernai, une pancarte, datant peut-être des années trente, est fixée sur une solive et indique « Travail sans garanti » (sic), ce qui laisse supposer qu’il s’agissait là d’une installation communale et non pas d’un atelier privé. Un paysan pouvait y conduire son bœuf et faire appel à un maréchal-ferrant pour venir le ferrer à l’aide de son outillage et de sa forge portative.

Le travail d’Obernai © Dominique Toursel-Harster, 2018)

Un travail avec ses sangles en cuir © dessin : Daniel Gaymard, 2018


Malou SCHNEIDER





Chroniques des sites internet


Doc. Numistral © BNU Strasbourg


Aujourd'hui : les revues d'histoire et d'archéologie d'Alsace numérisées
Les chercheurs profitent depuis longtemps de portails documentaires tels que Persée, Cairn.info et Revues.org pour accéder aux versions numériques de travaux de recherche sub-actuels, en particuliers des articles. Parfois, nos revues sont également accessibles ailleurs, tels nos Bulletins de la SCMHA sur le serveur de la Bibliothèque universitaire de Heidelberg (pour les années 1856-1918) ou de la bibliothèque numérique américaine d'ouvrages anciens Archive.org (entre 1857 et 1908). La Bibliothèque nationale de France a de son côté engagé un gros effort de numérisation des revues des sociétés savantes, dont certaines remontent comme on sait au début du XIXe siècle. Le résultat de ces travaux, rangé par régions et départements, est désormais en ligne sur Gallica. Pour l'Alsace, ce travail a été réalisé par la BNUS, plus précisément sa « bibliothèque numérique », dénommée Numistral. Quelques titres avaient déjà été mis en ligne au début de 2016, dont les Bulletins de notre Société antérieurs à 1926. Mais depuis peu, c'est une grosse moisson qui est désormais accessible, soit une trentaine de titres, dont 10 pour le Bas-Rhin, 15 pour le Haut-Rhin, 1 pour le Territoire de Belfort (sans oublier les départements lorrains). Les revues de nature plus régionale (une demi-douzaine, comme nos Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire) sont rangées dans le département de leur siège administratif (le Bas-Rhin pour la nôtre). L'essentiel des revues emblématiques s'y trouvent déjà et même quelques-unes de naissance récente (Hardt & Ried).

Les revues sont présentées par volume édité (annuel, semestriel ou autre, selon les cas). Ce qui est en ligne correspond en principe à la totalité de la production depuis les origines de chacune des revues, mais certaines (comme Haguenau) sont encore en attente. Par convention avec chacune des revues, les numéros les plus récents, et donc encore en vente, en sont absents ; ils seront mis en ligne au fur et mesure, selon les modalités propres à chacune de ces revues. Pour notre Société, sont ainsi accessibles les BSCMHA, entre 1856 et 1926, puis les CAAAH, entre 1957 et 2005, mais pas encore l'Anzeiger für Elsässische Altertumskunde (1909-1917) et les CAHA (1918-1954), qui le seront plus tard ; enfin, notre Société a convenu d'un délai de 10 ans pour la mise en ligne des derniers numéros : 2017 sera ainsi accessible en 2028.

Le mode de présentation à l'écran des numéros par revue se fait pour l'essentiel sous forme de listes et parfois (comme Wissembourg ou la Revue d'Alsace) sous forme de tableau synthétique de vignettes avec les dates. Cette dernière est la plus commode pour des recherches rapides, les listes en effet ne faisant pas toujours apparaître la date ou le numéro de fascicule correspondant. Tous ces numéros peuvent se feuilleter à l'écran ou être téléchargés.

Au vu de l'ampleur du travail réalisé par le service des bibliothèques, des erreurs compréhensibles se sont parfois glissées dans la documentation présentée. Ainsi, les CAAAH de 1967 apparaissent au tome 9, alors que c'est le 11 ; des numéros peuvent aussi manquer, comme les BSCMHA de 1876. Par ailleurs, la Revue d'Alsace, pour les années 1850-2006, et la Bibliothèque de la Revue d'Alsace (1903-1909) n'apparaissent pas pour l'instant dans le dossier des revues par département de Gallica, ni dans la liste « Numistral - projets en cours » : il faut les chercher sous un autre lien. Mais la qualité de la numérisation est généralement remarquable, bien supérieure en tout cas à celle d'autres sites (comme Archive.org ou Google Books) qui ont privilégié la rapidité d'exécution. Même si le procédé n'est pas systématique, on note de même un bel effort pour reproduire correctement les planches graphiques pliées (plans, illustrations anciennes, etc.), fréquentes dans beaucoup de numéros anciens, ici dépliées alors qu'elles apparaissent comme un mille-feuille sur les mêmes sites évoqués précédemment.

Un grand merci donc à nos institutions, et à la BNUS en particulier, pour faciliter les recherches, tout en mettant en œuvre des mesures conservatoires : tous ces ouvrages qui vont désormais circuler sur le net représentent autant de savoir qui ne sera plus à la merci d'un incendie ou autre accident. En survolant les autres dossiers départementaux, se confirme de plus la situation privilégiée des associations patrimoniales en Alsace, avec un nombre élevé de revues et une accessibilité numérique de premier plan. Merci également à Jérôme Schweitzer, directeur du service des Alsatiques à la BNUS, qui a bien voulu compléter cette notice avec des données factuelles liées aux revues alsaciennes. [Ce texte a été rédigé en janvier 2018.]

Jean-Jacques SCHWIEN