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Retrouvez les archives des conférences de la Société pour la Conservation des Monuments historiques d'Alsace ...
Chers amis,
Le premier mai tend à devenir, au moins en Alsace, la journée des châteaux forts, et il est fort bien
de cristalliser les souvenirs et… les soucis que provoquent ces monuments si nombreux ici, et si appréciés, quel
que soit leur état, habités, transformés ou en ruine.
Notre société avait organisé ce jour-là une sortie pédestre pour redécouvrir deux lieux insignes sur les flancs du Mont
Sainte-Odile, avec sa dizaine de châteaux retraçant toute l’histoire de l’architecture castrale germanique.
Et justement,
nous avons débuté par les châteaux d’Ottrott, complexe qui évolue depuis le milieu du XIème siècle : la Lützelburg d’origine,
avec sa grande enceinte ovoïde qui correspond probablement à la migration de la fonction militaire de Hohenburg (à partir du XIème siècle,
seule l’abbaye a une activité au sommet de la montagne).
La construction en petit et moyen appareil de grès présente, à son point haut
et central, une tour peut-être de bois, remplacée au milieu du XIIème siècle par le premier essai de donjon rond de pierre.
Après la mainmise
des Staufen sur le site, celui-ci est morcelé par le creusement d’un fossé isolant l’actuel Rathsamhausen, construit vers 1200, un des châteaux
protégeant l’abbaye et confié à un ministériel qui prend le nom du site.
Le deuxième château, l’actuel Lützelburg, est le fruit probable des troubles
du Grand Interrègne après 1250, qui profite d’un nouveau démembrement du site originel : un donjon rond surplombe le fossé, auquel répond
rapidement un autre donjon rond construit sur le site de la Hinterlützelburg (actuel Rathsamhausen).
Le château est transformé jusqu’au
XVème siècle, avec ses lices spectaculaires et son nouveau logis dans l’exiguë courtine primitive.
Cette visite était d’autant plus intéressante que le site venait d’être complètement débroussaillé par
la toute nouvelle association de sauvegarde des châteaux d’Ottrott présidée par M. Pierre PARSY, qui nous
a accueillis. Le site venait d’être rouvert au public, après plus de quinze années de barbelés et de broussailles…
Les travaux de préservation reprennent !
Ratsamhausen : logis roman et tour-donjon rond gothique © G. Bronner, 2016
Notre deuxième visite du jour a été pour le Landsberg, autre jalon laissé par les Staufen : la construction est bien
datée de 1200 par une charte toujours conservée aux Archives départementales du Bas-Rhin, et concédée à d’autres ministériels
qui prennent le nom de Landsberg : il s’agit là d’une construction innovante, avec donjon-bouclier exposant un angle à l’attaque,
protégeant un logis très décoré et précédé par une basse-cour surplombant le fossé, lequel détache l’éperon de la montagne.
Les travaux de consolidation se sont arrêtés il y a une dizaine d’années, d’importants moyens ayant été mis en œuvre entre 1980
et 2008 pour permettre la préservation du donjon roman et des deux tours gothiques. Actuellement, seuls les « Veilleurs de châteaux »
essaient de contenir une végétation envahissante.
Cette préservation du patrimoine castral intéresse toute l’Alsace et pose le problème de son financement et de
l’éloignement des centres décisionnels des monuments historiques, avec la nouvelle grande région, qui n’a certainement
pas le mérite de rapprocher le citoyen du pouvoir : seules les collectivités locales peuvent encore encourager la sauvegarde
avec de maigres moyens. On pourrait imaginer une SCMHA qui soit à nouveau le relais de cet entretien… et pas qu’au niveau des châteaux !
Dans le nord de l’Alsace, le charmant village de Langensoultzbach recèle un patrimoine méconnu en dehors
des spécialistes de la Ligne Maginot, et qui, faute de protection, est aujourd’hui en train de disparaître.
Construit en 1934, le casernement de Langensoultzbach est un exemple type des « casernements de sûreté »
destinés à loger les troupes de la Ligne Maginot en temps de paix : cinq bâtiments principaux sont complétés par une
« cité des cadres » destinée aux officiers.
Il est occupé tour à tour par les troupes françaises jusqu’en 1940,
les troupes allemandes jusqu’en 1944, puis à nouveau l’armée française jusqu’en 1960. La commune acquiert l’emprise
foncière en 1983, puis la vend à une société immobilière en 1986.
Ce casernement est célèbre pour les très nombreuses peintures murales qui ornent ses murs.
À l’instar des peintures murales réalisées dans plusieurs ouvrages de la Ligne Maginot, comme à Schœnenbourg,
ils témoignent d’une volonté des soldats d’améliorer leur cadre de vie en lui donnant un aspect joyeux, voire festif.
La transformation de plusieurs bâtiments du casernement en logements à partir des années 1990 a fait disparaître de
nombreuses œuvres, mais le bâtiment principal, aujourd’hui à l’abandon, permet de se faire une idée de ce qu’a été cet
ensemble pictural exceptionnel.
© S. Saur, 2016
Plusieurs artistes, dont certains talentueux, ont travaillé à la mise en valeur des lieux. En l’absence de recherches dans les archives,
il est impossible de savoir s’ils ont travaillé ensemble ou sur une longue période.
Cependant, on peut faire quelques remarques d’ordre général. Tout d’abord, la plupart des œuvres peuvent être datées d’après la guerre :
des représentations d’uniformes américains et d’insignes de la France Libre en témoignent.
D’autre part, aucune œuvre n’a été modifiée ou couverte par une autre, ce qui témoigne au minimum
d’un respect pour le travail d’autrui, s’il n’y a pas eu de plan concerté pour la décoration des salles.
Enfin, ces représentations témoignent d’une volonté du commandement local de laisser les plus talentueux
des soldats participer activement à la vie de la caserne, ce qui, pour n’être pas exceptionnel, n’est pas
non plus la norme dans les armées.
Les thématiques représentées sont multiples : cornes d’abondance dans les escaliers et vignes dans les couloirs, chansons illustrées,
cartes de l’Alsace et de la Lorraine, cathédrales (Strasbourg et Reims), scènes de combats, animaux… On trouve même Tintin et les Dupondt !
Les peintures constituent l’écrasante majorité des représentations, mais certains dessins d’une grande finesse ont été réalisés au crayon.
Si certaines œuvres sont d’un style assez naïf, la plupart témoigne du talent de ceux qui les ont réalisées.
© S. Saur, 2016
Ce patrimoine exceptionnel est aujourd’hui en voie de disparition : le toit du casernement s’est effondré,
l’humidité s’infiltre dans les murs, faisant tomber leurs enduits de plâtre, ce qui provoque la destruction
irrémédiable des œuvres.
Au rythme actuel, seules les très nombreuses photographies prises par les amateurs
depuis des années pourront, d’ici peu, témoigner encore de ce que fut ce patrimoine injustement méconnu.
Sébastien SAUR
Le Parc de la Maison alsacienne, association fondée en 1998, compte actuellement plus de 240 membres.
Depuis sa création, elle s’est donnée pour mission de conserver le patrimoine rural de la région de Strasbourg,
en érigeant un écomusée dans le centre-ville de Reichstett, agglomération située à 8 km au nord de Strasbourg.
Le principe de cet écomusée est de présenter « une maison / une époque », en s’appuyant notamment sur des savoir-faire archéologiques.
Les périodes d’ores et déjà traitées sont l’Alsace baroque de la fin du XVIIe et du début du XVIIIème siècle, la vie autour de la Révolution
française et le tournant du XIXe au XXème siècle.
D’autres thématiques ont également été abordées : le blé et la paille dans une grange,
un atelier de tonnelier, une pièce rassemblant les opérations recourant au feu (alambic, fumoir et lessiveuse), un circuit consacré
aux machines agricoles du début du XXème siècle, enfin des jardins à thème.
Les maisons de l’écomusée ont préalablement été soigneusement démontées dans divers villages autour de Strasbourg.
Elles ont été remontées, à Reichstett, par les membres de l’association, avec l’aide d’un charpentier professionnel.
Tout le reste du travail est effectué les jeudis par des bénévoles. Ils sont aidés par des jeunes en difficulté, par
des personnes en situation de handicap et, en été, par des chantiers internationaux de jeunes bénévoles.
L’objectif est
de transmettre des techniques ancestrales et de créer un lien social et historique autour de la thématique de l’écomusée.
© Jean-Claude KUHN
Dans la précédente Lettre d’information (n° 49 de janvier 2017) paraissait, sous la plume de la SCMHA, l’article
« Le Dinghof d’Adelshoffen à Schiltigheim : un site sous haute vigilance ». Le soutien accordé par la Société
à l’association des riverains du Dinghof a été déterminant quant à ses actions au niveau du patrimoine. Cette
expérience toute neuve, il convenait que l’association la partage avec ses pairs, les associations locales.
Tel est le but recherché ici, en dressant le bilan d’une année de travail sous forme de confrontation entre objectifs recherchés et résultats obtenus.
Sur le programme en trois points que l’association s’est fixé patrimoine, verger et projet immobilier adapté
, seul le premier sera évoqué ici.
Les terrains au 37A rue d'Adelshoffen à Schiltigheim, après démolition des bâtiments © Eva Nonnenmacher, mai 2017
L'église du village de Weiterswiller, dans le canton de La Petite-Pierre, est bien connue
pour le bel ensemble de peintures murales du début du XVème siècle.
Pour l'archéologue,
l'édifice renferme aussi un autre trésor, mais jusqu'à présent passé inaperçu. L'angle nord-est
de la nef conserve en effet un départ de voûte dont la sculpture en forme d'écu est ornée de deux moules de tuilier.
Le premier élément, à gauche, se présente sous la forme d'un objet rectangulaire, terminé en partie haute
par une légère réduction à deux angles droits symétriques et en partie basse par un boudin un peu plus large
en prolongement du côté droit : on peut sans conteste y reconnaître un moule de tuilier avec son manche (en bas)
et le contour d'un emboîtement (en haut).
Le second élément, à droite, est un objet en coussinet légèrement trapézoïdal,
terminé en partie haute, la plus étroite, par un petit retrait latéral symétrique et, en partie basse, par un boudin disposé
cette fois dans l'axe : il s'agit ici d'un moule de tuile canal avec son manche pour une autre forme à emboîtement.
Les dimensions générales sont les mêmes dans les deux cas, soit environ 15 cm de long pour 5 cm de large, le manche mesurant
4 cm et l'emboîtement 2 cm.
Les emblèmes sculptés d'artisans ornent fréquemment les linteaux de porte, les poteaux corniers,
les appuis de fenêtre, etc. des maisons des villes et bourgs des XVIe-XVIIème siècles, avec des dates
et des initiales renvoyant au constructeur du lieu. De même, des armes d'artisans figurent sur les vitraux
d'église de la fin du Moyen Âge pour témoigner des dons de leurs corporations à la communauté.
Un blason de tuilier du XIVème siècles à Wetterswiller (Bas-Rhin) © Jean-Jacques SCHWIEN
Dans ce contexte, notre emblème de tuilier est singulier et à divers titres.
Tout d'abord par sa date. L'église de Weiterswiller est construite ou reconstruite en totalité
vers 1340 ; le voûtement auquel appartient le culot sculpté relève de cette première phase,
antérieure en tout cas au programme des peintures murales du début des années 1400 associées
à un plafond en bois.
De ce fait, cette trace d'un donateur inscrite dans la pierre est particulièrement précoce.
En second lieu, le contexte de l'écu sur lequel est représenté le symbole du tuilier est surprenant,
puisque la forme du blason renvoie plus à un noble qu'à un artisan, sauf à considérer qu'il s'agit des
armes parlantes d'un bourgeois ou patricien d'une ville des environs du nom de Ziegler. Il ne correspond
en tout cas pas à ceux qui ont à ce moment-là un quelconque pouvoir sur le village, comme l'abbaye de Neuwiller,
les familles de Lichtenberg ou de Fleckenstein.
L'absence de tout autre culot, sauf un exemplaire facetté très
simple, ne permet pas non plus d’éclairer le contexte.
Mais c'est avant tout la forme même de ces moules qui est singulière. Les exemplaires qui nous sont parvenus,
bien étudiés par exemple à Rosheim, représentent des moules ou gabarits de tuiles plates à extrémité arrondie,
soit la "Biberschwanz" encore en place sur beaucoup de nos anciens toits ; par ailleurs, dans le cas des emblèmes
à deux tuiles, celles-ci sont représentées superposées en forme de croix de Saint-André.
Ici, la date du culot et
la forme du module à droite sur l'écu fait penser aux tuiles canal. Ce mode de couvrement, qui associe des
tuiles canal inférieures (dites nonnes) à des tuiles quasi identiques supérieures (dites moines), faisant office
de couvre-joint et liées au mortier, passe pour être une adaptation médiévale de la toiture romaine.
Leur présence
et leur densité sont attestées par les nombreuses découvertes dans les couches archéologiques et par quelques
témoignages épars encore en place, pour le laps de temps entre 1200 et 1500 environ. Elles disparaissent ensuite
au profit de la tuile plate.
Les moules représentés sur le culot ne correspondent toutefois pas tout à fait aux exemplaires archéologiques
recueillis en fouille, qui ne disposent pas en effet de cette extrémité à emboîtement. Cette forme de tuile
correspondrait plutôt à des faîtières, y compris de la période plus récente de toitures à tuiles plates.
D'un autre côté, il paraît peu concevable qu'un tuilier ait pris pour emblème une forme aussi particulière de
tuile, ce métier étant de fait très polyvalent, produisant souvent autant de briques, voire de céramiques,
que de tuiles proprement dites.
Au total, nous disposons là d'un emblème de métier qui pose certes de nombreuses questions mais qui renvoie
à un moment charnière de l'histoire des toitures alsaciennes encore très mal documenté, en particulier quant
à la chaîne de production. À ce titre, cet exemplaire conservé dans la pierre à Weiterswiller est précieux.
Jean-Jacques SCHWIEN
Le Centre d’interprétation du patrimoine des « Ateliers de la Seigneurie », place de la Mairie
à Andlau, présente du 1er avril au 30 juin une exposition « Des hommes et des pierres.
Construire au Moyen Âge, sauvegarder aujourd’hui ». Elle est consacrée à huit châteaux
forts du Centre-Alsace : Andlau, Bernstein, Frankenbourg, Haut-Kœnigsbourg, Kagenfels,
Ortenbourg, Ramstein et Spesbourg.
Diverses activités accompagnent l’exposition, dont, bien sûr, des visites guidées de châteaux, mais aussi des conférences.
Georges Bischoff évoquera le 30 mai à 18h30 : « Comment meurent les châteaux forts » et Matthias Heissler et Annette David,
le 27 juin à 18h30, parleront de : « Un réseau de bénévoles au service des châteaux ».
www.lesateliersdelaseigneurie.eu